Dans cette approche expérimentale du film institutionnel, je souhaitais imbriquer plusieurs éléments d’un reportage documentaire à l’intérieur d’un récit post apocalyptique. Le client, la société Colas, m’avait laissé le « champ libre » : l’important était de recenser les travaux les plus notables de l’année. Le document était à usage interne : la projection se ferait devant tous les cadres des différentes entités « Colas » de l’Océan Indien et il était convenu d’encourager une certaine fantaisie artistique.
La société Colas, leader mondial de la construction des routes, était présente en République de Djibouti depuis l’accession de l’indépendance de cette dernière. « La Colasse », c’était quasiment une institution : elle employait plusieurs centaines de Djiboutiens, formaient des dizaines de nouveaux ouvriers et cadres chaque année. Il n’existait pas une famille djiboutienne, au sens très élargie, qui n’avait « quelqu’un » à la « Colaxe »… L’arrivée sur le marché de la construction des premières entreprises « étrangères » a sonné, peu à peu, le glas de l’entreprise Colas en Afrique Orientale. On ne s’étendra pas sur les pratiques « abusives » qui ont miné les bases d’une concurrence saine et objective : lorsque se cofinance le travail à perte de certaines entreprises privées à des fins de dumping, il s’instaure un climat abject où le grand perdant demeure le client…
C’est la fin d’un règne « humain » racontée de manière loufoque certes, l’artifice métaphorique, dans le contexte de « la Colas » de l’époque, a été cependant perçue et bien compris lors de la projection avec beaucoup de « grincements de dents ». On ne souhaitait pas voir l’inéluctable, on voulait encore y croire…
La société Colas Djibouti, affaiblie par les effets retors d’une concurrence déloyale, s’est finalement « déroutée », dans un moment de grande lassitude économique, du chemin très rectiligne qu’elle avait jusqu’ici contribué à préserver.